ISSN: 0041-4255
e-ISSN: 2791-6472

Harun Güngör

Keywords: Gagaouzes, Seldjoukides, Ottomans, Histoire

Les Gagaouzes, qui sont d'origine turque, mais de religion chrétienne orthodoxe vivent, de nos jours, en grande partie, dans la région appalée Bucakdans le sud de la République Moldavie. İ1 existe aussi quelques petites colonies Gagaouzes en Asie Centrale (en Uzbekistan, Kazakistan, Kirgizie), dans la région du caucase et dans d'autres contrées de L’ex-URSS (en Ukraine, Bielorussia, Lituani, Estonie, Russia...). En Bulgarie, Les Gagaouzes occupent des villages dans le cercle de Varna, près de Provadja dans la Dobrudja prés de Kavarna et dans le sud de la Bulgarie dans le cercle de Yambol et Topolovgrad. Quant à la Roumanie, il y reste encore quelques villages des Gagaouzes.

Ceux qui habitent à l'intérieur des frontières de l'ex-URRS étaient au nombre de 197.532 d'après le recencement de 1989. Nous avons aussi une statistique éffectuée en 1979. Ainsi, le tableau suivant nous donne une idée sur la distribution de la population Gagaouzes en ex-URSS.

 

1979

1989

Moldavie

138 000

153 458

Ukraine

29 398

32 017

Russia

4 176

10 057

Kazakistan

752

978

Bielorussia

152

188

Uzbekistan

111

240

Azerbaïdjan

137

105

Turkmenistan

187

280

Lituanie

44

140

Estonie

41

69

Total

172 998

197 532

L'origine des Gagaouzes n'est pas certaine. Car nous ne possédons de documents historiques suffisants sur ce sujet. Ainsi, le manque de données a- t-il donne à l’émission de plusieurs hypothèses dont les principales sont les suivants:

  1. D'après une théorie, ils seraient les descendants des Torks et Uzes. Selon une autre, ils descendraient des Kumans ou Polovtsiens et Karakalpaks.
  2. Des savants bulgares estiment que les Gagaouzes sont les descendants des Bulgare qui furent turquisés aux XIV siècle, mais qui conservèrent leur foi orthodoxe.
  3. D'après une autre théorie, ils descendraient des seldjoukides émigrées de l'Anatolie aux Balkans leur territoire fut plus tard appalé Dobrudja.

Dans le présent exposé, nous voulons surtout reprendre et discuter la dernière hypothèse, selon les chroniques seldjoukides et ottomans. Précision au préalable que la question de Gagaouze n'etant apparue qu'au XIX siècle.

İl est normale que nous n'en trouvions dans les sources historiques seldjoukides et ottomanes, ni relation détaillées ni indices précises. Néanmoins, ces sources sont d'accord qu'il y est une émigration d'une groupe Turc-seldjoukides da l'Anatolie aux Balkans, au XIIIe siècles. Nous devons donc étudier ce que les historiens seldjoukides et ottomans ont écrit au sujet de cette émigration et de tâcher de trouver si ces seldjoukides furent les ancêtres des Gagaouzes actuels.

C'est Ibn Bibi, qui nous parle premièrement de l'émigration turque de l'Anatolie à Roumélie. Dans sa chronique, qui été composée en 681-684 h. et qui est intitulé "El-Evâmirü'l,.Ala'iyye fi'l-umûri'l Ala'iyye"[1] Ibn Bibi ne fait que raconter la demande d'asile d'İzzeddin Kaykavûs II. à Byzance pour lui- même, pour sa famille et pour quelques-uns de ses chefs militaires, la réception amicale de ces réfugiés par l'empereur Michel VIII Paleologue et le passage du Sultan en Crimée par suite de quelques conflits.

Cet événement rapporté par Ibn Bibi, est confirmé par un autre historien seldjoukide, Kerimüddin Mahmud Aksarayî qui expose l'histoire des seldjouks de Rûm à partir de Oghuz Khan jusqu' à l'an 1323 h[2].

Les deux sources citées ci-dessus donnent des informations sur le Sultan, sur sa famille et sur lis chefs militaires du Sultan, sans toutefois parler des Turcs seldjoukides qui ont émigré sous le commendement de Sarı Saltık à Dobrudja avant de passer en Crimée (Sudak, solhad) et pour retourner finalement à Dobrudja.

Que cet événement important ne figure pas dans les sources dont nous venons de parler, est une question qui est vTaiment difficile à expliquer.

La plus ample information à ce sujet se trouve dans le Oguznâme ou le Selçuknâme de l'historien ottoman Yazicioglu Ali:

Sultân Tzze'd-în.. Antalya'dan etfâl u 'iyâl ve validesiyle Fâsiliyus katma gitdi.

Bir gün Sultan 'İzze'd-dîn ve 'Ali Bahadır Fâsiliyus'a eytdiler; "Biz Türk tâyifesiyüz, dâyim şehirde durimazuz, daşrada bize yir ve yurt olsa Anadolı'dan bize ta’alhık Türk evlerin getürüp anda yaylasavuz ve kışlasavuz" didiler. Fâsiliytıs Dobruca ilini ki eyü tavar tendürüst ve âb u havâsı hüb av yirleridür. Anlara yir yurt vir(di). Anadolı'dagı kendülere ta’alhık Türk obalarına el altından haber itdiler. Kışlak bahânesine İznik'e inüp az müddetde Üsküdar'dan çok Türk evi göçdi. Merhûm, mağfûr Sam Saltuk anlarımla ile göçdi, çokluk zamân Dobruca ilinde iki üç pâre Müsülman şehri ve otuz kırk bölük Türk obaları vardı.

Ve Berke Han çeri gönderdi. İttifâkla ol yıl katı kış oldı. Tuna suyı katı tondı. Berke Han'ım çerisi buz üstinden geçüp sultânı ol kal'a bahsinden çıkarup halâs itdiler ve bir müddet dahi Kırım ve Suğdak nevâhîsinde Berke Han katında 'asi ve la l birle rûzigâr geçürürlerdi.

Ve bile varan göçer ilün koyunlu ve tavarlularını Merhûm Saru Saltuk Berke Han hükmiyle göçürüp kurudan girü yurdlanna, Dobnıca iline getürdi.

Rum ilinde Dobruca vilâyetinde duran Müsülmanlar Halil Ece ile göçüp gemiyle Karasi iline geçdiler. Zirâ Anadolı'da fetret olup ahbâr münkati' oldıydı ve Rum ilinde Ulgar begleri hurûc idüp Fâsiliyus üzerine müstevli olup Rum ilinün ekserin almışlardı. Ol sebebden anlardan üşenüp göçüp Anadoh'ya geçdiler. Rum ilinde kalanlarun soyı Saru Saltuk fevt oldugından sonra mürted ve ahriyan oldılar[3].

Cette citation du texte de Oguznâme de Yazıcıoglu nous apprend tout d'abord qu’il existe un paralélisme tres net entre les informations de Yazıcıoglu et celles d'İbn Bibi, ce qui nous prouve que ce dernier était en verité l'une des sources du premier. Cependant Yazıcıoglu nous donne aussi des informations supplémentaires dont nous reprendrons â son tour.

Par un autre historien ottoman Seyyid Lokman el-Aşûrî, le méme fait est relaté dans sa chronique, également intitulé. Oguznâme,comme suit:

Sultan İzze'd-dîn .......... Antalya'dan etfâl u lyal ve validesiyle

Fâsiliyus'a eytdiler: "Biz türk tâyifesiyüz, dâ'imâ şehirde durmazuz, taşrada bize bir yir ve yurt ta'yîn Anatolı'dan bize ta'alluk Türk evlerin getürüp anda yaylasavuz ve kışlasavuz didiler. Fâsiliyus Dobruca ilini ki eyü davar tendürüst ve âb u havâsı hûb av yirleridür, anlara yir ve yurt virdi ve Anadolı'dagı kendülere ta'alluk Türk obalarına el altından haber itdiler. Kışlak bahânesiyle Saru Saltuk ile İznik'e inüp az müddetden Üsküdar'a gelüp çok Türk evi göçdi ve hayli zamân Dobruca ilinde iki üç pâre müsülman şehri ve otuz kırk bölük Türk obaları vardı.

Hak ta'âlâ sultânun kardaşına ilhâm itdi, Sinopdan deşt hanı Berke Han'a haber gönderüp kardaşumı kurtar diyü ricâ eyledi ve Han-ı Kırım dahi 'azîm çeri gönderüp ittifak ol yıl muhkem kış oldı. Tuna suyı kan tondı, Berke Han'un çerisi buz üstinden geçüp sultânı ol kafa habsinden çıkartıp halâs itdiler, Berke Han dahı çokluk çeriyle ardlarınca geldi ve Istanbul'ı hisâr idüp tekfûrı egletdi, sonra sulh itdi ve Tatar leşkeri sultânı Berke Han hizmetine getürdiler. Han ana gayet de i'zân ve ikrâm kılup nevâziş itdi... ve dobnıca Türklerin Sarı Saltık ile deşt-i Kıpçak'a iletüb Sulhad ve Su'dak'ı Sultana tımar ve Türklere yir ve yurt virdi[4].

Plus tard, d'autres historiens ottomans comme Müneccimbaşr[5] Neşri[6]... etc ont parlé des mêmes événements en se basant sur ces Oguznâme.

Si, nous laissons de coté les sources seldjoukides et faisons une comparaison entre le Oguznâme de v'azicioglu et celui de Seyyid Lokman, nous constatons ce qui suit:

  1. D'après Yazıcıoğlu, Sarı Saltık est allé a Dobrudja, en suivant İzzeddin Keykâvus II. Mais, après !Emprisonnement de ce dernier par l'empereur Byzantin et sa libération pour être emmené en Criméepar Berke Khan, le Khakan de la Horde d'Or par la suite, les aimes Turcs se sont tout d'abord installés à Dobrudja et puis l'ont suivi en Crimée toujours Sarı Saltık à leur tête. Berke Khan leur a donné des terres pour leur établissement.
  2. Les Turcs seldjoukides établis en Crimée se sont retournés à Dobrudja après la mort de Sultan İzzeddin Keykâvus II en Crimée.
  3. Après la mort de Sarı Saltık, une partie des Turcs ont gagné l'Anatolie avec Halil Ece pour s'installer dans le vilâyet de Karasi. Quant à ceux qui sont restés en Roumélie à la suite de cet événement, ils abjurèrent leur foi et l'oublièrent. Ce fait nous est raconté par yazıcıoglu en ces termes: "Rum ilinde kalanlarım soyı Sam Saltık fevt oldugından sonra nıürted ve ahriyan oldılar." [7]

La diffêrance principale entre les deux écrits est que Yazicoghi Ali affirme que les Turcs installés en Crimée ont regagné Dobrudja après la mort d'İzzeddin Keykâwis II, tandis que Seyyid Lokman n'en parle pas.

Non seulement Joseph von Hammer[8] mais aussi des historiens bulgares comme G.D.Balasçev[9] et Peter Mutafçiev[10] préfèrent, en parlant de l'émigration seldjoukides de l'Anatolie en Roumélie de n’avoir recours qu'à Seyyid Lokman, en ignorant l'ouvrage de Yaztcioghi qui en fut pourtant la source principale. Cette omission des historiens bulgares a donné naissance à des suppositions éronnées en ce qui concerne l'origine des Gagaouzes. Car ces auteurs ne prennent pas en considération le retour à Dobrudja des seldjoukides qui s'y sont rentrés de Crimée avec Sari Saltik. D'ailleurs, Yazictoglu Ali n'est pas le seul à signaler ce fait; Ibn Batuta, célèbre géographe et l'historien, parle également du retour à Dobrudja de Sari Saltik dont le tombeau se trouve à Baba-dagh[11].

L'erreur commise par les historiens bulgares, a plus tard fait l'objet d'une étude approfondie par Paul Wittek qui l'a corrigé[12]. Le point de v٦ie de Wittek a été adopté par le turcologue polonais Wlodzimierz Zajaczkowski. La rectification des articles de "Gagauz[13]" et "Dobrudja[14]" de la première édition de ¡'Encyclopédie de l'islam en est notre avis une preuve étidente. Néanmoins, la thèse de Wittek aussi, n'était pas sans comporter des points douteux qui ont fait l'objet d'une autre étude[15].

Après ces constatations et remarques, nous sommes maintenant en mesure de nous demander à nous même si ces informations sont suffisantes à éclairer l'origine des Gagaouzes?

Les constatations faites ci-dessus sont évidemment importantes parce qu'elles prouvent l'existance d'une immigration turque aux terres balkaniques au XIIIe siècle. Mais, supposer que tous les Gagaouzes descendent seulement des Turcs seldjoukides signifiera le reniement tacite des grandes migrations Pétchénègues, de Oghuz et de Kuman ou Karakalpaks qui ont eu lieu au X siècle, du nord de la mer Noire vers les Balkans et qui s'étaient organiquement liées les unes aux autres D'autre part, en prospectant scientifiquement l'origine d'une nation, il nous faudra prendre en considération non seulement son histoire politique mais aussi sa culture et sa civilisation. Vu ce fait, nous sommes d'avis qu'il nous convient de nous référer d’avantage à l'hypothèse de Kowalski[16] qui les Gagaouzes comme une communauté turque composée des Pétchénègues, de Oghuzs des Kumans ou Karakalpaks et des Seldjoukides anatoliens.

En ce qui concerne les chercheurs russes se sont intéréssés à ce problème, nous pouvons remarquer qu'il ne se sont contentes que de s'occuper des peuplades turques venus du nord de la mer Noire aux Balkans et leur ont attribué d'étre des ancêtres des Gagaouzes.

En bref, nous pouvons souligner, au terme de notre exposé que, ce que les historiens seldjoukides et ottomans ont rapporté au sujet de notre question, importe pour l'éclaircissement non pas de tout le problème de l'origine des Gagaouzes mais au moins de l'un de ses aspects. Car, les Gagaouzes viennent de plusieurs souches dont l'une est constitué par les seldjoukides émigrés aux Balkans au XIIIe siècles.

Footnotes

  1. V.İ bn Bibi, El-Elimirü 7 Ala7yye fil-umüril Ala7yye, (Tıpkı basım) Nşr: Adnan Sadık Erzi, Ankara 1956, s.657.
  2. Kerimüddin Mahmud Aksarayi, Müsâmeretül Ahbar, Nşr: Osman Turan, Ankara 1944, s.75-76.
  3. Yazıcıoğlu Ali, Selçuknâme, Topkapı Sarayı, Revan Köşkü, No.1391-1392, Vr: 4152, 445 a/b.
  4. Seyyid Lokman b.Seyyid Hüseyin el-Aşuri, Seid Lokmani ex libre Tuı-cice inscribitur excerpta, primuş edidit latin versit explicasit. Yayın Dr. Lagus. Helsingforsiae, 1854.p.9-11; V. Harun Güngör, Seyyid Lokman ve Oğuz-nâmesi, Türk Dünyası Araştırmaları , Sayı 44, s.41-103.
  5. Ahmed b.Lütfullah, Müneccimbaşı, Cami' el-düvel, Beyazıt Devlet Kütüphanesi, Nu 1591, vı-. 1124 a-b.
  6. Mehmed Neşri, Neşri Tarihi 1, Hzr: Mehmed Altay Köymen, Ankara 1983, 26.
  7. Yazıcıoğlu, 445 a.
  8. Joseph von Hammer Histoire de l'empire ottoman, Paris 1884, T.I. p.20.
  9. Geörgios D Mpalastzef, 6 Avtokratwr Micahl h 6 Palaiolögos kat t6 idrnzen th sundramh autou kratos tvn Ögouzwn para thn dutikhn akthn tou Euzeinon, Sofia, 1930, p.19, n.
  10. Peter Mutafçiev, Die angebliche Einwanderung ron Seldehuk Türk-en in die Dobrudscha im XIII jahrhundert, Sofia 1943, p.91.
  11. Wlodzimierz Zajackowski, "Gagauz", Encyclopedic de I'lslam, Nouvelle edition, Leiden 1965,T.II.p.993-994.
  12. Halil İnalcık, "Dobrudja", Encyclopedic de l'İslaın, Nou١elle edition. Leiden 1965.T.II.p.625-629.
  13. Claude Cahen, Points de doute sur les Gagauzes, Studio turcologico, Alexii Sambace, A euro di A Gollot e Mamazoi Institute Unh-ersitario Orientate, Napoli 1982.p.89-90.
  14. Halil İnalcık, "Dobrudja", Encyclopedie de l'İslam, Nouvelle edition. Leiden 1965.T.II.p.625-629.
  15. Claude Cahen, Points de doute sur les Gagauzes, Studio turcologico, Alexii Sambace, A euro di A Gollot e Mamazoi Instituto Universitario Orientale, Napoli 1982.p.89-90.
  16. Tadeusz Kowalski, Les Turcs et la Langue Turque de la Bulgarie du Nord Est, Karakow 1933.p.27.