L’existence d’un système d’écriture alphabétique particulier à Sidè, en Pamphylie, est connue depuis la fin du siècle dernier lorsque furent découvertes dans cette ville et dans les villes voisines de courtes inscriptions figurant sur des monnaies datées du IVe siècle av. J. C.
Les fouilles entreprises au début de ce siècle ont ensuite mis au jour quatre inscriptions dont deux bilingues qui ont permis de faire progresser la recherche et de mettre en évidence la structure générale de ce système d’écriture: II s’agit d’un alphabet dont on connaît actuellement environ 28 signes, qui diffère notablement des alphabets grecs ou épichoriques lydien, carien et lycien, ce qui rend la détermination des valeurs phonétiques des signes relativement difficile. L’écriture va de droite à gauche.
Une cinquième inscription (cf Cl. Brixhe [6]), dont la décou¬verte est due à Mr. H. Seyrig, est venue récemment augmenter le nombre des documents connus.
Les études relatives à l’alphabet et à la langue sidétiques ont surtout été l’oeuvre de Th. Bossert [2] [3], W. Brandenstcin [4] et plus près de nous, de M. Darga [7], G. Neumann [11] et Cl. Brixhe [5]. Dans Kadmos VII, 1, 1968, en particulier, G. Neumann a fait un point complet et prudent de nos connaissances pendant que dans le même numéro, Mme S. Atlan [1] rassemblait en édition photog¬raphique l’ensemble des monnaies inscrites sidétiques. Dans ce qui suit, nous nous référerons essentiellement à ces deux articles, ainsi qu’à l’article de Cl. Brixhe [6] en ce qui concerne la dernière ins¬cription.
L’article de G. Neumann cité ci-dessus reprend l’ensemble de nos connaissances sûres sur l’alphabet sidétique, telles qu’elles résul¬tent de la comparaison phonétique entre les noms propres grecs et leurs équivalents sidétiques dans les textes bilingues.
Il n’est pas possible d’aller au-delà sans entrer dans le domaine des hypothèses pour l’instant invérifiables.
Ceci étant clairement posé il n’est toutefois pas interdit de suivre l’exemple de W. Brandcnstein [4] et de Cl. Brixhe [5] qui ont tenté d’élargir, au-delà des 14 valeurs considérées comme sûres, l’attri¬bution de valeurs phonétiques aux signes de l’alphabet sidétique en s’aidant de considérations basées soit sur les identités de forme entre certains signes sidétiqucs et les signes des alphabets grecs ou épichoriques, soit sur des hypothèses linguistiques.
Une étude menée selon ces principes, nous a conduit à proposer d’attribuer aux signes de l’alphabet sidétique les valeurs indiquées dans la figure 1, l’hypothèse fondamentale à la base de notre étude étant que le dialecte “barbare” de Sidè fait en réalité partie de la grande famille des langues “proto-indoeuropéennes” au sens de P. Kretschmer.
Ce sont les résultats de cette étude que nous nous proposons d’exposer dans la présente note.
Pour éviter de créer une nouvelle numérotation des signes, nous avons repris dans notre figure 1 celle de Cl. Brixhe [5] p. 55 avec toutefois quelques différences minimes:
a) Nous avons supprimé le soi-disant signe 19 de Brixhe, ainsi que le signe 30 qui n’est qu’une variante graphique du signe 17.
b) Pour conserver la continuité de la numérotation, nous avons attribué le n° 19 au signe numéroté 29 par Brixhe.
Nous avons bien entendu repris les 14 valeurs phonétiques considérées - avec juste raison - comme sûres par G. Neumann. On notera que nous avons cependant légèrement modifié la valeur du signe 8, considéré comme valant “d” par nos prédécesseurs en vertu de l’équation: porSors = grec ’ATroXXôSwpoç. Nous avons, par convention, noté “8” ce signe, très rare puisqu’il n’apparait qu’une fois dans l’ensemble des inscriptions, lesquelles représentent plus de 200 signes au total. Nous pensons qu’en fait sa valeur phoné¬tique est celle d’une dentale sonore à appendice apical [M]. Cette consonne est connue dans les langues anatoliennes. C’est à elle que l’on doit les flottements xd constatés (lyc. Daparas / Aarrapaç, grec XâtpvT) / 8»pv»), myc. dapu2ritojo / Xa&ûpiv6oç etc...). La prononciation de porSors devait en conséquence être probablement quelque chose comme “poroldor°s”.
Ceci nous a permis d’attribuer beaucoup plus logiquement la valeur “d” au signe en forme de Y ou de V rendu par t° par, Brandenstein [4], malgré la forme ionienne crtf38-q avec une dentale sonore.
Les deux sifflantes représentées par les signes 12 et g posent un léger problème:
— la première correspond certainement à une sifflante forte et c’est pourquoi nous avons choisi de la noter s plutôt que s.
— la seconde représente soit une sifflante simple, soit une chuin-tante.
Nous avons choisi de la noter s, de même que G. Neumann [n] mais une valeur [s] serait aussi envisageable. Par contre, la valeur [z] proposée par Cl. Brixhe [5] p. 67/68 ne nous paraît pas accep¬table du fait de l’existence du signe 15.
Nous avons préféré noter par p (plutôt que par v) un phonème représentant un [b] relâché, très proche du [v], analogue au v espag¬nol. Un tel son se rencontre en hourrite.
Le signe 17 est celui qui présente le plus de variations de forme. La forme primitive est probablement celle en forme de 3.
On relèvera enfin que l’alphabet note une diphtongue ai.
La transcription des diverses inscriptions s’établit ainsi avec nos valeurs:
A / — Inscriptions sur les monnaies".
Ces inscriptions sont reprises dans notre figure 2.
Les références sont celles de l’article de Mme S. Atlan [1] déjà cité: II, 2 signifie par exemple: monnaie n° 2 du tableau IL
I, 2: Comme déjà signalé par Cl. Brixhe ([5] p. 57 note 19), la transcription donnée p. 71 par Mme Atlan est trompeuse: Il faut en fait décomposer en:
— une inscription linéaire, soit éibda...
— une lettre ‘ a” isolée, prés d’Apollon désignant le dieu.
— deux lettres isolées “a” et “ai”, initiales probables des magis¬trats monétaires (Cf Cl. Brixhe [5] p. 83)
I, 3: L’inscriptions est là encore à décomposer en:
— une inscription linéaire, soit s] ibda P [...
— deux initiales isolées a et p.
I, 4' L’inscription comporte:
— une inscription linéaire, soit sibda
— un “a” isolé près de la tête du dieu.
La forme S pour le signe 20 est très intéressante en ce qui con¬cerne l’origine de l’Q grec.
Nous lisons par ailleurs les autres inscriptions de la façon sui¬vante :
I, 8: sibda?ai os II, 2: sibda? aii[s] II, 3: sibda?ai is
II, 4: sibda?ai[ II, 3: sibda?ai[ II, 6: sibda?aii [s]
II, 7: [si] b0a?aii[s] II, 8: sibda?ai is II, u: sibda? ai is
II, 12: sibda?aiis III, 1: [s]ibda?aiis III, 2: sibda?aiis
III, 3: [s]ibda?aii[s] III, 4: sibda[ ///, 5: sibda?[
III, 6: sibda?[ III, u: sibdaBaiis
Nota: Comme l’a signalé Cl. Brixhe [5] p. 58 § 8, la présence des signes 1 et 20 à l’avers et au revers de cette dernière pièce de mon¬naie prouve que ces deux signes sont différents.
Conclusion: L’ensemble des inscriptions sur les monnaies fait appa¬raître une forme générale sibda?aiis qui rend le grec SIAHTQN
Le nom sidétique de la ville était sans doute *Sibda? (voir 1,3), dont la finale, signalons-le au passage, rappelle celle du mot puaf de la bilingue étéocrétoise Isaluria de Dréros (cf Van Effenterre, B. C. H. 1946, p. 131/138).
La terminaison -aiis (une fois —ai os en I, 8. Sous l’influence du grec??) est sans doute une finale d’adjectif. Elle correspond au groupe adjectival proto-indoeuropéen *-esi qui a donné lyc. -ehi et louv. -a&i (cf laroche, B. S. L. 55, i960, p. 156) avec changement c-a caractéristique de cette dernière langue (exemple: a8-: “être”, wa«-: “vêtir”, etc...).
B/ — Inscription d’Artemon :
D’après le fac-similé donné par Romanelli & Paribeni dans Monumenti Antichi 1914 fig. 25 et repris dans notre figure 3, on peut lire:
zeaOanai artmon Oanpius
maluazas
soit d’après le texte grec: “A la déesse Athéna, Artemon, fils d’Athè- nippios [a offert ceci] en action de grâces”
Notes : i) G. Neumann ([i i] p. 79) a proposé de voir un “e” dans le deuxième signe du premier mot. Nous ne comprenons pas pourquoi Cl. Brixhe ([5] p. 77 note 125) a refusé cette lecture pour revenir à la lecture traditionnelle “i”: La différence de tracé entre ce pré¬tendu “i” et le “i” de Oanpius montre bien que G. Neumann a raison.
2) Nous ne comprenons pas non plus les raisons qui ont poussé Cl. Brixhe ([5] p. 57 et 80) à douter de la lecture “1” proposée par G. Neumann ([11] p. 80) pour le 3e signe du dernier mot, laquelle nous parait évidente.
Commentaires :
1) On relèvera l’emploi de “u” comme semi-voyelle dans le mot maluazas, à lire: *malyazas.
On reconnaît dans ce terme la racine proto-ie *malv-: “ramol¬lir”, “adoucir” que l’on retrouve dans grec àpiaXoç et àjx&X'iç, lat. mollis: “mou, tendre” et lat. malva: “la mauve”, c’est-à-dire la plante qui adoucit.
maluazas, qui rend le grec /apiCT-rrjpta est “l’action destinée à attendrir, à rendre la déesse la favorable”.
2) Le premier mot est sans doute à décomposer en: *zea-(a)thena = la déesse-Athèna, dans lequel on reconnait la racine proto-ie *dhev-*dhey- de grec 6E6Ç: “dieu” et 0s<x: “déesse”, lyd. civ: “dieu”, louv. tiwat-: “soleil”, etc..., avec passage de [dh] à [z] en sidétique par palatisation de la dentale.
On notera que la désinence proto-ie*-i du datif ne porte que sur la deuxième partie du mot composé.
C/ — Inscription d'Apollonios :
Cette inscription ne pose pas de problème de lecture. On lit avec nos valeurs:
poloniu por8ors poloniuas masara i3-dem[
soit d’après la version grecque : “Apollonios, fils d’ApolIodoros, petit- fils d’Apollonios a dédié cette effigie de lui-même à tous les dieux”.
Commentaires :
1) L’inscription étant incomplète, il est difficile de savoir avec certitude à quel mot grec correspond masara. Bien que Bossert ait voulu y voir un collectif équivalent au grec Oeoîç, la thèse générale¬ment admise est d’y voir l’équivalent de elxôva. Nous pensons que cette dernière solution est confirmée par l’inscription n° 3 (voir ci-après).
On relèvera toutefois que quelle que soit la solution choisie, il s’agirait, dans l’hypothèse proto-ie dans laquelle nous nous sommes placés, d’un dérivé de la racine *magh-: “puissant” qui a probab¬lement donné à la fois le louvite massana: “dieu” et le grec fiâ-foç “magicien” et lat. Imago: “effigie à caractère religieux”, italien mascara: “masque”, etc...
On relèvera le passage *gh>é en sidétique, parallèle au passage *dh>z signalé plus haut.
2) Si le terme 13-dem correspond à grec ètxu-roü, on pourrait éventuellement y voir la particule -dem de lat. idem, itidem.
Pour la valeur du signe 13, voir ci-dessous § F
D/ — Inscription n° 3 :
L’excellente photo du tableau I de G. Neumann [11] nous a permis de déceler des “diviseurs de mots” passés jusqu’alors inaper¬çus. Il s’agit de traits verticaux très courts, presque des points, très légèrement tracés, placés un peu au-dessus des caractères.
La présence de ces diviseurs permet de lire l’inscription d’une façon mieux assurée. On notera que toutes les conclusions sur la division des mots établies auparavant par G. Neumann se sont trou¬vées confirmées par notre découverte.
Avec nos valeurs, l’inscription se lit comme suit: ligne 1: ucjïase’ agase’ istrata[gi]uas’? sa uepase’ masaras+ ligne 2: zarke^zid’ nesiuas’ me’ pakas’ istratage’ Psako ligne 3: pegiuase’? ainegar’ éaka’ sa’ akosaza’ naQematas Notes: 1) Aucun séparateur de mots n’est visible entre les quatrième et cinquième mots sa uepase. Cette absence pourrait être duc au rôle du mot “sa”, que l’on retrouve isolé ligne 3 et qui est probab¬lement une conjonction de coordination (cf lyc. se = “et aussi”).
2) On relèvera la forme en forme de 3 du signe 17 (ligne 3, 8e signe).
Commentaires :
1) uefiase:La désinence -ase paraît être celle d’un datif pluriel (cf grec errai). Quant au mot lui-même, nous pensons qu’il faut le rattacher à grec -rçfîvj : “jeunesse”, terme isolé en grec (le rap¬prochement avec lit. jegâ: “force” n’est guère satisfaisant), Le terme a du passer dans cette langue par l’intermédiaire de l’ionien comme semble le démontrer l’hypcr-éolisme <£{3<x.
Une origine proto-ie serait éventuellement possible en rattac¬hant le mot à la racine *suv- qui a donné grec uitx; / uloç mais aussi ôûç et uç, à condition de supposer un *“s” mobile.
2) agase: Il s’agit d’un terme au même cas grammatical que le précédent, ce qui fait soupçonner un adjectif.
Le radical nous parait être celui de grec <£74 : “admiration”, d’ou àyaaréç: “admirable”, àya66ç: “bon”, etc...
3) istrata[gï\uas:Si notre reconstitution est exacte, il s’agirait du génitif du mot *istratagiu dont on retrouve ligne 2 un dérivé (probablement verbal) et qui dérive d’un emprunt au grec arpaTTjyôç = istratagos, terme que l’en rencontre dans l’inscription 4 (voir ci-après). Le dérivé istratagiu signifie littéralement “la chose du général”, c’est-à-dire “l’armée”.
4) masarai:Le sens “effigie” suggéré par la bilingue d’Apol- lonios nous paraît confirmé. La désinence -s marque sans doute le pluriel.
Nous proposons l’interprétation suivante de la ligne 1 : “Aux jeunes admirables de l’armée et aux [autres] jeunes [sont dédiées] ces effigies”
Ligne 2: 1) zarkefyzid: Le mot est sans doute un verbe, à décom¬poser en:
— un préfixe za-: “très” (cf grec Ça-)
— un dérivé de la racine *rke- que l’on trouve dans lat. arceo, grec àpzéw: “repousser”.
2) nesiuas: Probablement un acc. genitivi = “ceux des îles” les “îliens” (acc.)
3) me: Nous pensons qu’il faut voir dans ce terme l’acc. du pronom personnel lere pers. sing. : grec èpé, pé.
4) PaAar: NP. Apparemment à l’acc. S’agit-il d’une sorte d’ “accusatif absolu” marquant le temps??
5) istratage: dérivé (verbal?) de istratagos: “général en chef”.
6) fysako: Nous ne comprenons pas ce terme.
Nous proposons en conséquence l’interprétation suivante de cette ligne:
“Ils ont repoussé avec succès les îliens (?), pendant que moi, pakas je commandais en chef ”
Ligne 3:
1) pegiuafe: dat. plur. en -ase d’un dérivé du radical, *ped-: “pied” avec palatisation de la dentale: #pedyu > *pcgiu
On a sans doute là l’équivalent exact de grec “fantas¬sin”.
2) ainegar: La terminaison est obscure, mais le radical est sans doute celui du grec aïw): “louange”.
3) saka: Nous y voyons un emprunt au sémitique. Cf grec, trâxxoç: “bouclier”.
4) akosaza: mot obscur, dans lequel il faut peut-être voir un dérivé de la racine *ako-: “pointu” (cf grec àxwxr): “javelot”).
Nous proposons donc - avec circonspection - la traduction sui¬vante de cette dernière ligne:
“Pour les fantassins, à leur louange (?), [sont dédiés] ces boucliers et ces javelots (??), en offrande votive”.
Inscription n° 4
On relèvera que cette inscription est inscrite dans un cadre, sur la même pierre que la précédente, mais est écrite en caractères plus grands.
Nous proposons la lecture suivante: ligne 1: kdar[a?m?]e[p?. ?]s Oami ligne 2 : 90 r s Oanzors istra ligne 3: tagos as{3oskiui ligne 4 : anaOematas
Notes:
1) La première ligne est sévèrement abimée, Notre recons¬titution repose sur le NP attesté dans les inscriptions grecques de Pamphylie xuSpapoufau qui correspondrait à sidétique kdaramep-.
2) La lettre avant le 0 de Oami pourrait être le signe 12 sous sa forme p. plutôt que le signe 1 (= p).
3) A cause de la coupure de la troisième ligne istra-tagos, nous pensons que la première ligne est également complète.
Commentaires :
1) istratagos: emprunt. Cf grec <rrpar»]YÔç
2) ftanzors".NP correspondant au grec ’AOvjvoSwpoç avec passage de [d] à [z]
3) Nous trouvons dans as^o- le terme (d’origine indo-iranienne?) désignant le cheval: Cf skr. asva, lyc. esbe. Le mot, asposkiu désignerait donc “la cavalerie”. Il est ici au dat. (en fait: dat. Genitivi), avec désinence -i.
La traduction de l’inscription s’établirait donc ainsi; “Kda- ramep-?, fils de Oap.upép'.ç, petit-fils d’A&yjvôScopoç commandant en chef de la cavalerie, [a dédié ceci] en offrande votive”.
F/ — Inscription n° 5
Cette inscription, parfaitement lisible, a fait l’objet de l’excellent article de Cl. Brixhe [6] dans Kadmos VIII. Elle est particulièrement importante pour la détermination de la valeur phonétique du signe 13.
Nous lisons avec nos valeurs:
artmon dga-13-poros dga-13-Pairos dont la traduction est immédiate: “Artemon, fils de Dgai3[3oros, petit-fils de Dgai3 paires”
Le problème est de déterminer la valeur du signe 13.
Nous n’avons malheureusement pas de solution à proposer. Nous pensons qu’il s’agit d’un nom composé dont la première partie dérive du radical *lagy- qui a donné grec Xayûx;: “lièvre” et les NP Aayueuç, Aayusatç, Aayoïoç, etc... attestés en Pamphylie ou dans les contrées voisines. Mais il est pratiquement impossible de déterminer la seconde partie de ce composé.
Il nous reste en terminant à mentionner une découverte surp¬renante: Il s’agit de la parenté inattendue entre l’alphabet de Sidè et l’alphabet dit “sibérien” ou “ancien turc”.
On sait que l’alphabet sibérien est l’alphabet que l’on a rencontré dans des inscriptions découvertes dans les bassins de l’Ob et de l’Iénis- séi, au nord du lac Balkhash en Sibérie.
Ces inscriptions sont écrites dans une langue turque ancienne et datent des VIIe/VIIIe siècles ap. J. C.
Leur déchiffrement remonte à la fin du siècle dernier avec, principalement les travaux de V. Thomsen et W. Radloff et ceux de Vambery et O. Donner1. Elles ont donné lieu depuis à une assez abondante littérature de la part des savants russes (G. Aidarov, I. Batmanov, S. Kliashtorniyi, V. Kondrat’ev, et al) et turcs (en particulier Muharrem Ergin et T. Tekin).
Le parallèle entre alphabet sidétique et alphabet sibérien est trop remarquable (Voir fig. 4 et 5) pour qu’il ne s’agisse pas de deux alphabets assez étroitement apparentés. La figure 4 montre que malgré la date plus récente de ses inscriptions, l’alphabet sibérien a conservé un caractère plus archaïque que le sidétique, En d’autres termes, il semble être resté plus proche de l’ancêtre commun qui a servi de modèle. Son caractère “semi-syllabique” (voir Jensen [10] p. 414) est également en faveur d’une ancienneté plus grande. Il paraît donc difficile d’attribuer aux conquêtes d’Alexandre le Grand (356-323 av. J. C.) le lien constaté entre les deux alphabets, sidé¬tique et sibérien, car l’emprunt à un ancêtre commun a du être anté¬rieur au 4e siècle, date des premiers documents sidétiques.
L’hypothèse de mercenaires sidétiques dans l’armée d’Alexandre, propageant leur système d’écriture jusqu’en Sibérie, paraît donc à écarter.
Nous pensons qu’il faut faire remonter à une époque encore plus ancienne que les conquêtes d’Alexandre l’origine des deux, alphabets et attribuer leur propagation à des caravaniers empruntant depuis des temps très reculés l’antique route qui va d’Alep en Syrie au lac Balkhash, en passant par Téhéran, Samarcande et Tashkent.
L’alphabet pchlvi qui a été rapproché à la fois de l’alphabet sibérien (cf par exemple J. Février [9] p. 315/316) et de l’alphabet
On sait que l’alphabet sibérien est l’alphabet que l’on a rencontré dans des inscriptions découvertes dans les bassins de l’Ob et de l’Iénis- séi, au nord du lac Balkhash en Sibérie.
Ces inscriptions sont écrites dans une langue turque ancienne et datent des VIIe/VIIIe siècles ap. J. C.
Leur déchiffrement remonte à la fin du siècle dernier avec, principalement les travaux de V. Thomsen et W. Radloff et ceux de Vambery et O. Donner[1]. Elles ont donné lieu depuis à une assez abondante littérature de la part des savants russes (G. Aidarov, I. Batmanov, S. Kliashtorniyi, V. Kondrat’ev, et al) et turcs (en particulier Muharrem Ergin et T. Tekin).
Le parallèle entre alphabet sidétique et alphabet sibérien est trop remarquable (Voir fig. 4 et 5) pour qu’il ne s’agisse pas de deux alphabets assez étroitement apparentés. La figure 4 montre que malgré la date plus récente de ses inscriptions, l’alphabet sibérien a conservé un caractère plus archaïque que le sidétique, En d’autres termes, il semble être resté plus proche de l’ancêtre commun qui a servi de modèle. Son caractère “semi-syllabique” (voir Jensen [10] p. 414) est également en faveur d’une ancienneté plus grande. Il paraît donc difficile d’attribuer aux conquêtes d’Alexandre le Grand (356-323 av. J. C.) le lien constaté entre les deux alphabets, sidé¬tique et sibérien, car l’emprunt à un ancêtre commun a du être anté¬rieur au 4e siècle, date des premiers documents sidétiques.
L’hypothèse de mercenaires sidétiques dans l’armée d’Alexandre, propageant leur système d’écriture jusqu’en Sibérie, paraît donc à écarter.
Nous pensons qu’il faut faire remonter à une époque encore plus ancienne que les conquêtes d’Alexandre l’origine des deux, alphabets et attribuer leur propagation à des caravaniers empruntant depuis des temps très reculés l’antique route qui va d’Alep en Syrie au lac Balkhash, en passant par Téhéran, Samarcande et Tashkent.
L’alphabet pchlvi qui a été rapproché à la fois de l’alphabet sibérien (cf par exemple J. Février [9] p. 315/316) et de l’alphabet sidétique (cf Cl. Brixhe [5] § 31 p. 76) doit peut-être son origine aux mêmes caravaniers.
Il resterait à savoir de quelle nationalité étaient ces derniers et quelle langue ils parlaient. La probable origine sémitique de l’alphabet sidétique (voir Brixhe [5]) oriente, à notre avis, les recherches vers un peuple de la Syrie du Nord.
Washington, Avril 1978
BIBLIOGRAPHIE
[1] ATLAN S. “Die Münzen der Stadt Side mit Sidetischen Aufschriften” dans Kadmos VII, 1968, 67/74
[2] BOSSERT H. Th. “Scritture e lingua di Side in Pamfilia” dans “La Parola del Passato” 13, 1950, 32/46
[3] BOSSERT H. Belleten 14, 1950, 1/29
[4] BRANDENSTEIN W. “Schrift und Sprache von Side in Pamphylien” dans Minoica, Festschrift Sundwall, 1958, 80/91
[5] BRIXHE CL. “L’alphabet épichorique de Sidé” dans Kadmos VIII, 1969, 54/84
[6] BRIXHE CL. “Un nouveau document épichorique de Side” dans Kadmos VIII, 1969, 143/151
[7] DARGA M. Belleten 31, 1967, 49/66
[8] DONNERO. Journal de la soc. finno-ougrienne, XIV, 1896, 3 & ss
[9] FEVRIERJ. “Histoire de l’écriture”, Payot, Paris, 1959
[10] JENSEN H. “Die Schrift”, 3e ed., V. E. B., Berlin 1969 [n] NEUMANNG. “Zur Entzifferung der Sidetischen Inschriften” dans Kadmos VII, 1968, 75/93
[12] THOMSEN V. “Les inscriptions de l’Orkhon déchiffrées” dans Mém. de la Soc. finno-ougr., XIV, 1896
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